Le jeu de patience de l'obsession -
Interview Melissa Murillo
Meyoko crée les métamorphoses d'un monde fantastique peuplé de personnages hybrides et d'une faune particulière, proche de la micrographie, elle calligraphie au Rotring noir une nature luxuriante, des forêts surchargées de plantes tatouées, illustre les rêves d'un idéal poétique tourné vers l'imaginaire et le merveilleux.
Melissa Murillo, d'origine équatorienne a rencontré à paris : La passion de l'art, la déception et les turbulences de l'adolescence, elle est partie vivre à Berlin, dans un environnement favorable à l'épanouissement de Meyoko et à la découverte de son destin résolument dévoué à son art.
Sabine Morandini : Crois-tu en l'amour ?
Meyoko aka Melissa Murillo : C'est une question à laquelle moi-même je n’arrive pas à répondre, je pense que les désagréments que j'ai vécu à cause de mes parents ont fait que je doute de tout, surtout des sentiments des autres envers moi.
L'amour est une source d'inspiration très importante dans mon travail, j'ai besoin constamment de nouveauté ce qui veut dire que je ne m'inspire pas de la personne avec qui je suis, mais de relations platoniques et très sporadiques auxquelles je n'aurais jamais besoin de donner une quelconque chaleur humaine même si je le désire.
Non, pour l'instant je ne crois pas à l'amour, mais je le dessine et je rêve avec :)
Sabine Morandini : Le noir et blanc est-il pour toi, le meilleur moyen d'aller à l'essentiel ?
Meyoko : Pour commencer je ne cherche pas à aller à l'essentiel pour moi ce qui compte est la signification. Et bien plus important que la signification est la métaphore. Par exemple dans l’opéra tibétain, une figure "noire et blanche" est utilisée pour un personnage possédant un double caractère, ou un double rôle et je pense que dans mon art c 'est surtout cela que je veux faire comprendre.
SM : Si tu devais choisir des couleurs de rotring ?
M : Je pense que ce serait le rouge car le rouge pour les bouddhistes indiens représente le désintérêt total pour l'aspect extérieur et le détachement du matériel, ce qui reflète au mieux ma personnalité .
SM : Comment arrives-tu à lier tes différentes inspirations (tatouages, calligraphies..)
M : Je crois que ce qui inspire mon travail est généralement une combinaison de choses que j'absorbe quotidiennement, des choses qui deviennent tout à coup une idée, ça peut être une photographie rencontrée, un film, une chanson, des extraits de livres, des magazines et des documentaires, qui ne sont pas directement liés , mais qui contiennent une certaine importance pour mon travail.. Enfin, Je ne suis jamais sûre, je crois que c'est l'ensemble de la contemplation intérieure et l'observation qui ont de l’intérêt pour moi, comme les oiseaux qui volent.
SM : Combien de temps en moyenne pour faire un dessin ? Le temps passé amène t-il la lassitude ?
M : Plusieurs jours. Je pense que mes dessins sont préparés comme une portée mathématique, scientifique. C’est un travail très minutieux. On pense toujours que c’est quelque chose d’assez fou ! Ca l’est vraiment, la folie est parfois bien calculée. Le premier réflexe est généralement le bon, mais parfois travailler sur une illustration est plus complexe. Je fais attention aux détails, j'essaie plus bien que mal de le rendre épique.
SM : Longue préparation ou improvisation ?
M : Comme je l'ai déjà dit je crois que c'est généralement une combinaison de choses que j'absorbe quotidiennement. Quand je commence une illustration, je commence avec une simple image, puis je construis autour d'elle, c'est alors que je commence à me demander ce qui se passera ensuite, quelle forme ou quelle ligne, bien sûr je cherche à compliquer les choses d'une manière contrôlée.
La plupart du temps je ne sais absolument pas ce que je dessinerais! Je ne sais pas où je vais. Pour moi, c'est comme résoudre une énigme. J'aime ne pas savoir quel sera le résultat final.
SM : Des détails Haute Couture ?
M : Je crois que la frivolité est une des caractéristiques que je peux reprendre de ce milieu. Mais je pense que mes dessins sont plus humains, quelque chose que n’importe quel homme de n’importe quelle classe ou race peut ressentir.
Je ne dirais pas Haute Couture puisque la Haute Couture s'inspire souvent de civilisations anciennes et tout comme eux, je trouve ma source auprès de certaines cultures tels que L'Islam.
SM : Un travail obsessionnel à ne plus pouvoir bouger les mains, thérapie ? Urgence ?
M : Oui dans certains cas, le plus souvent quand je commence un dessin je me sens libre et loin de tout sur terre, mais quelques jours après le désir d'en finir se fait de plus en plus présent à cause de l’angoisse et de la peur du rendu final.
SM : Quels sont les artistes que tu affectionnes ou qui t'ont inspirés ?
M : Sans douter un instant René Magritte et Salvador Dali !! Après eux la liste est longue mais bien avant eux je crois qu’il n’existe pas meilleur artiste que la Nature elle-même.
SM : De quoi rêves tu, as-tu un idéal ?
M : De quoi je rêve ? D'un monde meilleur et équitable.
SM : Serais-tu une chercheuse de beauté ?
M : Oui, je crois que la beauté est indispensable dans ce monde remplit d'évènements horribles mais je ne dirais pas que c'est une beauté superficielle que je recherche mais une beauté pure, remplie de significations humaines.
SM : La cause de la nature te touche t-elle ? Ton travail s'en inspire t-il ?
M : Bien sûr la nature est la base de tout ce que je fais et j’en tiens compte dans chaque détail.
SM : La France terre d'accueil ou écueil ?
M : Je dirais les deux, la France a été pour moi comme une sorte d’éveil, elle m'a accueilli et je me suis forgée une identité grâce à tout ce que j'ai pu découvrir en elle mais bien souvent comme dans une relation le bonheur ne pouvait pas durer longtemps et j’ai du la quitter avec les larmes aux yeux.
SM : Parle nous de tes origines Equatoriennes ? En as-tu de bons souvenirs ?
M : Je dirais de merveilleux souvenirs, mon pays est la source de mon inspiration, tout ce que j'ai vécu là-bas est pour moi la base au moment de créer un nouveau dessin. Je me souviens que j'adorais aller à la montagne dans la cordillère des Andes pour admirer les volcans autour de moi et tout cet écosystème qui font de mon pays un paradis sur terre..
SM : Qu'est-ce qui te fascine ?
M : La gentillesse et les ethnies qui se battent pour continuer à exister dans ce monde aux intérêts individuels.
A Melissa and Lea Becker : pour la séquence opéra
Hylas Film
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Meyoko par Meyoko
video by Hylas Film
Interview Sabine Morandini