The Noir A-Z -
Interview
Julian Hibbard est un photographe anglais, il vit et travaille à New York.
Ses images énigmatiques témoignent de l'intérêt qu'il porte à la narration,
la mémoire, l'exil, le désir. Son premier livre, "The Noir A-Z", un alphabet visuel accompagne les termes dominants d'un univers noir, a été publié en 2009. Un deuxième titre - «Schématics: A Love Story" une méditation visuelle sur l'amour, la perte, le temps et la mémoire, a été publié en Décembre 2011.
Sabine Morandini: Quelles sont vos inspirations pour la mise en scène et la direction artistique de vos images?
Julian Hibbard: Depuis que j'ai commencé la photographie, j'ai été attiré par l'idée de créer des images narratives qui reflèteraient mon intérêt pour la mémoire, les rêves, le monde subjectif, les films et le spectateurisme. J'ai souvent créé des moments qui se trouvent à la limite de la séduction et de l'invitation mais qui dérangent également. Cela représente pour moi une porte ouverte qui est inhérente à mes images, une croisée des chemins, une transformation et un changement, qui va ou ne va pas arriver, et au bout du compte c'est le spectateur qui décide.
SM: Vous appartenez à quelle catégorie de photographe?
JH: Je suis un photographe artistique dont le travail est entre la mode et le cinéma. Mes images sont conceptuelles, sombres et espiègles. J'utilise la photographie et l'intellect pour produire des images qui ont plusieurs niveaux de signification.
Je suis particulièrement attiré par les idées qui évoluent autour du concept de la perception de la vérité, et qui utilise des vêtements ou des accessoires très simples tout en créant des relations psychologiques et mystérieuses. La photographie a toujours été pour moi une façon de découvrir le monde et de capter des moments qui me fascinent et m'interpellent alors que je m'évertue a interpréter leur sens profond, et découvre ma propre condition dans cette démarche.
SM: Comment préparez vous vos images?
JH: Mes images se développent dans le temps. La progression est lente pendant que les différentes parties se mettent en place. Je retourne souvent assembler et réexaminer les idées que j'ai collectées précédemment. Le dessin et l'utilisation de storyboard sont une partie importante du procédé.
SM: Vous êtes plutôt numérique ou argentique?
JH: La chimie me rappelle l'alchimie et je vois la photo comme une forme d'alchimie. J'ai appris la photo dans une chambre noire. La j'ai découvert la magie de surprendre un moment dans le temps, enregistrer sur un film, transférer sur du papier à son tour. Je soupçonne qu'il ya une partie de ce rituel que je ne veux pas lâcher et donc je photographie toujours en film.
Je place également une grande importance sur les accidents et la richesse des possibilités qui se présentent quand on ne contrôle pas tout, ce qui est le cas avec les films et les caméras mécaniques. Bien sur le monde change vite et s'accélère. Je sais que la technologie digitale et ses applications présentent de nouvelles possibilitées et s’ouvre à des expériences émotionnelles qu’on ne peut pas atteindre autrement. Je ne suis pas un luddite mais j'ai résisté à la capture digitale bien plus longtemps que d'autres.
SM: Vos photos sont toujours inspirées par le cinéma? Hitchcock? Qui d’autre?
JH: Le cinéma est une de mes inspirations et beaucoup de références à Hitchcock sont faites de mon travail, et je prends cela comme un compliment.
Hitchcock était un cinématographe qui a rendu les mentalités sombres extrêmement attractives. Etant donné qu'il était anglais et est venu travailler en Amérique, j'y vois un autre parallèle.
Je trouve également le transfert de culpabilité de ses sujets, son utilisation des couleurs en émotions suggestives et l'effet inconscient que cela produit sur le spectateur absolument fascinant. Comme autre source d'inspiration, j'ai découvert les photographies de Guy Bourdin quand j'étais en Ecole d'Art il y a des années, et la façon dont il dépassait les limites de la mode m'a profondément marqué. J'aime beaucoup l'immobilité et le sentiment d'aliénation dans les peintures d' Edward Hopper. Un de mes films préféré est "If" de Lindsay Anderson. "If" me parle de par sa structure, le clash entre l'autorité et la rébellion et de par mon propre passé en pension anglaise.
Stanley Kubrick et Luis Buñuel m'inspirent. Je trouve certaines séquences ainsi que la lumière dans “La nuit du chasseur” de Charles Laughton très puissantes
.
SM: Avez vous des influences littéraires ?
JH: La littérature est quelque chose qui m'inspire de plus en plus. J’ai récemment lu “L'étranger” d'Albert Camus et je me suis retrouvé à écrire la phrase “tout est vrai et rien n'est vrai” du livre.
En ce moment je lis “Conversations” de J G Ballard et je m'apercois que sa pensee s'articule de manière assez similaire. Les nouvelles des débuts de Roberto Bolaño me transportent et me reconnectent avec le Chili. “Les choses qu'ils transportent” de Tim Obrian et “But beautiful” de Geoff Dyer sont également des livres qui m'interpellent.
SM: Pouvez vous nous expliquer les titres de "The noir A à Z"
JH: L'origine de la composition des mots se réalise lorsque je commence à comprendre et identifier certains thèmes récurrents tissés dans mon travail, des thèmes psychologiques comme la poursuite par exemple. Au commencement je met des mots sur les images, c’est comme du cristal qui se forme dans une solution, un alphabet secret. Dans le contexte de ce livre les mots choisissent leur fonction à la fois en tant que fenêtre et miroir, tout comme les images auxquelles ils sont associés.
SM: Qu'est ce que le crime parfait?
JH: Pour moi accomplir le crime parfait veut aussi dire échapper à l'inéchapable. Le crime parfait nous laisse sans voix et j'y vois la vrai nature de la fascination. D'une certaine façon un tour de magie me rappelle le crime parfait. Il nous trompe et nous époustoufle d'un même tenant. L'artiste de l'évasion trompe la mort, le magicien défie les lois ordinaires. La vraie magie est l'illusion qu'il existe réellement de la magie. Si le secret reste entier la fascination perdure, et c'est ce que nous désirons le plus. Ce sont toutes des qualités. C’est ce qui m’attire et à ce titre je dois admettre que je suis également impliqué dans le désir de susciter le crime parfait.
SM: Quand vous êtes le sujet de vos images qui appuie sur le bouton?
JH: Des amis. En retournant la caméra sur moi j'ai commencé à examiner et enregistrer ma propre narration et cela demande pas mal d'assistance. J'ai aimé être le protagoniste de mes propres photos mais j'ai commencé à en jouer et à manipuler la vérité, et je suis retourné de l'autre côté de la caméra.
SM: Etes vous plutôt Grace Kelly ou Gary Grant?
JH: En ce moment je suis plus attiré par Grace Kelly. Sa beauté radieuse me touche. Mais elle a également une vulnérabilité qui est dure à définir. Cette question me fait de nouveau penser a
Hitchcock. Il connaissait les désirs de son public et savait tourner la beauté de ses actrices en vertus picturales et thématiques dans ses films.
SM: Le coupable c'est vous?
JH: Coupable!! Je suis l'auteur de mes images. Je pointe la caméra. Je presse sur la détente. J'assume mes responsabilités mais l'acte d'observer est-il aussi un crime? Je vois ici la ligne fragile qui sépare la réalité de la fiction car dans quel sens les images sont elles réelles et dans quel sens des illusions?
Mes images apportent surement autant de questions que de réponses et une des raisons pour laquelle elles peuvent quelque fois déranger est qu'elles répondent sans aucun doutes à des désirs inconscient qui par définition et de différentes façons existent dans chacun de nous.
Pour conclure si je suis coupable, ma culpabilité est lié à mon souci d'honnêteté et faire la lumière sur cet aspect le moins bien compris de moi, étant donné que la photographie a toujours été ma façon de montrer ces idées contradictoires simultanément.
SM: Qu’est-ce qui vous fascine?
JH: Le feu, les explosions, la beauté du toucher, les déserts, la nostalgie, les objets glissés dans un rêve, le sublime, aller à la mer, le pouvoir éternel de la beauté des femmes, la 2éme guerre mondiale, le lait, les uniformes, rompre les règles, les sentiments contradictoires, soutenir les rêves de la jeunesse, le ligne fragile entre le rêve et la réalité.
A Laurette, Ivy et Mickael
"The noir A-Z" Julian Hibbard
Report Laurette Fournier
“The Noir A – Z” publication Mark Batty Publisher, septembre 2009
Ivy Brown Galerie
675 Hudson Street, 4N,
New York