Sabine Morandini : Ou trouves-tu ton inspiration?
Romain Kremer : Partout et nulle part. Partout car c’est le quotidien et l’analyse perso qui en résulte, et nulle part car finalement ce n’est jamais vraiment quelque chose de précis, jamais de thématique figé, c’est plutôt une thématique impalpable, je n’aime pas avoir un thème trop précis, j’aime l'idée de dispersion, me laisser surprendre par les évènements, il faut accepter l'idée de ne pas toujours tout contrôler. Les possibilités se multiplient.
La dernière collection c'était sur une idée d’anachronisme, une espèce de volonté d'être dans l’historique tout en étant conscient que je n’ai aucune connaissance historique, c'était un travail sur la Grèce, les statues, l’idée c'était de liquéfier les statues.
Il y a des imprimés inspirés du marbre.
SM : Quelles sont tes origines, quel est ton parcours, ton mode de travail ?
RK : Je viens de l'Aveyron, papa comptable, maman coiffeuse, famille modeste. Ils ont toujours aimé la mode, mon père aimait les fringues, les grandes maisons.
A 14 ans, j’avais dejà un carnet dans lequel je recopiai les silhouettes.
Je travaille beaucoup seul car j’ai du mal à déléguer, mais il y a des moments ou c’est important de s'entourer. J'ai beaucoup d’amis qui m’entourent.
Je commence toujours par le tissus, je n’aime pas trop dessiner, jusqu’au Festival d'Hyères ou il a fallu que je propose un dossier avec des dessins auxquels il fallait être fidèle, depuis je dessine en premier mais j’ai conservé la liberté de rebondir. Si je ressens le besoin de commencé par le tissus je prend cette option.
Je ne donne pas de noms à mes collections je trouve ça ringard. J’en suis à la 6ème collection, avec la dernière qui était vraiment officielle.
J’aime le travail que je suis en train de construire et seulement cela. J’aime les gens de Paris mais pas l’énergie qui se dégage de la ville... mon travail est adapté à la culture, l’architecture de Paris m’ennuie, à part le travail ce n’est pas passionnant…si je ne faisais pas de la mode je ne serais pas à Paris. Si je devais choisir j’habiterais à Rotterdam ou Amsterdam.
J’aime le magazine Vogue, je trouve que c’est le plus intègre. Celui qui a le plus de sens.
Il n’y a rien sur mes murs quand je travaille.
SM : C'est important la mode ?
RK : Non, Mais il y a quelque chose de palpable dans la mode que j’aime bien, il y a quelque chose d’un peu perdu d’avance et tout le monde continue à y croire, un peu comme si on fonçait dans un mur de manière délibéré et ça me plait. Ca incarne assez bien mon rapport à la vie.
J’aime assez les choses assez agressives, mais modéré, on ne peut pas avancer sans agressivité, j’aimerais bien que ce soit autrement mais ce n’est pas possible. J'aime beaucoup le metteur en scène Jan Fabre, j’aime bien les gens qui se posent des questions sur l’intérêt du public et qui le maltraite un peu. Je peux aimer tout et rien.
Je n’aime pas ce qui est figé. Je pense faire faire partie d’une génération qui casse les repères, tente de mêler tous les univers créatifs, a briser les cases, involontairement je fais parti d’un courant.
J’ai réalisé les costumes du Ballet Preljocaj pour une performance en partenariat avec le festival de Hyères.
J’assume l'idée de faire de la mode et je joue le jeu, j’ai conscience de la dimension commerciale et du développement que je dois réaliser .
SM : L'art et la matière?
RK : Pour les couleurs, matières et coupes de la dernière collection, j'ai utilisé du noir, du vert de gris, c’est parti d’une photo de tombe au Père Lachaise, qu' on a rendu techno, on l'a digitalisé un peu. il y a eu aussi beaucoup de noir(c'était une première) car je voulais essayer de voir si on pouvait encore faire quelque chose d'intéressant, je n’ai pas la réponse encore…
Les matières sont assez diverses, coton de soie, coton, sweat, du basique mélangé à des matières assez sophistiquées voir ringardes, du lurex, des lamés.
J’adore partir de quelque chose de pas terrible et le transcender. Les volumes étaient très cintrés à tres volumineux, un peu lourd, j’aime bien l’idée de la prouesse technique, un vêtement qui devient un peu œuvre d’art et ne pas trop me soucier de savoir si je vais vendre.
SM : Quelle est la personne que tu trouves la mieux habillée dans les films?
RK : Les acteurs de « La vie de Jésus »
SM : Tu portes des marques ?
RK : Oui, avant que la mode ne devienne mon milieu, depuis que j’y travaille j'ai plus de mal à acheter des marques. Avant j’adorais ça !
SM : Quel est le dernier défilé que tu as vu, il t’a donné envie de manger quoi ?
RK : Je ne sais plus lesquels j’ai vu mais je crois que personne ne m’a donné faim.
SM : As tu vu Zoolander ?
RK : Oui j’adore.
SM : Quel rapport entre mode et cinéma ?
RK : Souvent pas terrible ! Je n’aime pas cette branchitude mal placée que l’on peut voir dans certains films.(Marie-Antoinette)
SM : Peux_tu nous parler de la performance dans le cadre de l'exposition "J’en Rêve" à La Fondation Cartier...
RK : Il y avait 9 comédiens qui erraient dans la fondation, je ne voulais pas trop scénariser mais privilégier l’impro, créer des moments sensibles, impalpables, une succession d’images.
Collection Hiver 2006-07
Perfomance "J'en rêve"
Soirée Nomades
Fondation Cartier
Pierre Marie