Interview
Ali Mahdavi a choisi de se situer du côté du désir, de motiver par le glamour l’envie de transformations nécessaires pour atteindre la perfection. Son approche sophistiquée de la scénographie, donne naissance à des portraits étonnants avec la complicité de Dita Von Teese, et d’artistes tel que Marylin Manson ou Kylie Minogue.
SABINE MORANDINI : Tu es d’origine iranienne, mais on ne voit aucune influence orientale dans ton travail qui est très occidental..
ALI MAHDAVI :
C’est une question qui revient très souvent…j’ai deux raisons à cela, la moins importante, c’est que je n’estime pas que ce soit une obligation pour un artiste, de plus très vite on peut rentrer dans des clichés…des guerrières en tchadors, des terroristes…ça ne m’intéresse pas d’autant que j’ai vu vécu la révolution, la guerre, étant enfant et que j’ai voulu marquer une distance avec tout cela dans mon travail créatif. Je ne suis pas sûr que l’expression artistique soit le meilleur moyen de défendre ces idées dans ce domaine. La deuxième raison, c’est que ce qui m’intéresse vraiment c’est le monde intérieur, le fantasme, l’inconscient, il n’y a pas vraiment de place pour tout le folklore oriental, mais d’une certaine manière, on retrouve cette influence iranienne dans mon approche qui est souvent plus exubérante et baroque que la vision plus classique voir minimale qui est prônée dans l’art occidental, mon univers est parfois excessif, il y a un peu ce coté tape à l’œil typiquement oriental.
SM : Le glamour à tout prix ça cache quoi ?
AM : C’est la conséquence d’un rapport fusionnel, de fascination que j’ai eue pour ma mère quand j’étais enfant, c’est à la fois un hommage et un règlement de compte, car chez moi le glamour est grinçant et névrotique, ça cache autre chose aussi, à ma transition de l’enfance et de l’adolescence j’étais vraiment obèse, j’ai fait des régimes et j’ai maigri car j’ai toujours eu ce fantasme d’atteindre un idéal physique car j’ai compris assez tôt le pouvoir de la beauté. Par la suite j’ai eu une pelade et la volonté la plus obstinée ne pouvait rien contre ça. Je ne pouvais plus dès lors prétendre à une beauté conventionnelle.
Je pense que d’utiliser le glamour et de le mettre en scène sur d’autres est une manière de recréer cet idéal et de le vivre par procuration.
SM : La vie d’un dandy en 2007 c’est quoi ? Est-ce à la portée de tout le monde ?
AM : Je ne pense pas être un dandy, car être dandy ou excentrique c’est le vivre au quotidien, moi la journée j’essaye plutôt de passer inaperçu, les dandys que je connais comme Mr Pearl, n’ont qu’une seule facette, ils sont eux du matin au soir, il m’arrive de me mettre en scène mais c’est plus de l’ordre du jeu.
En 2007,le dandysme c’est quelque chose d’assez rare, la période est très « petit bourgeois », être dandy demande beaucoup de courage et d’implication, ce qui engendre souvent des rejets et des incompréhensions, c’est une démarche très individuelle, avec de vrais sacrifices et très dur à assumer.
SM : C’est quoi ton fétiche ?
AM : J’ai plutôt des obsessions, des femmes féminines à la fois sophistiquées et très névrosées, l’idée de transformation, de modification du corps et de se sublimer me fascine, et garde pour moi un attrait assez fort, car c’est lier à la volonté. Je reste fasciné par l’idée qu’une personne quelconque voir laide puisse à force de travail d’obstination et d’acharnement, devenir belle. On parle souvent de fétichisme par rapport à mon travail, car il y a une idée de souffrance, mais ce n’est pas lié au plaisir et à la douleur dans une optique sexuelle, même si certains codes se recoupent, ma démarche n’est pas la même. Car ce qui me fascine, c’est les contraintes et souffrances que l’on peut s’infliger non pas dans une recherche sensuelle mais pour atteindre un idéal de beauté. Je suis néanmoins très sensible au travail de Pierre Molinier, car il avait un vrai vocabulaire artistique et esthétique. En dehors de ça, les images de fétichisme qu’on voient aujourd’hui, du sado-masochisme mélangé à du gothique, je trouve souvent que c’est assez laid, primaire et caricatural. C’est souvent une illusion de subversion, alors que ce ne sont que des codes et des conventions de groupes, de clans, pas plus intéressant qu’une panoplie de banquier. Il n’y a aucune recherche réellement personnelle.
SM : Tu te sens chrysalide ou papillon ?
AM : Je suis une chrysalide qui aurait souhaité devenir un papillon mais qui est devenu autre chose ! Ce n’est peut être pas plus mal car la chrysalide, une fois papillon meurt assez rapidement. C’est comme le vilain petit caneton qui aspirait à être un canard et qui est devenu un cygne. C’est peut-être finalement mieux que la destinée que l’on s’était envisagée n’est pas aboutie et que ce soit l’inattendu qui soit arrivé.
SM : Tu écoutes quoi ?
AM : Je suis un passionné de vrai disco, la saoul, Larry Levin, Lolita Holloway ou Thelma Houston, Madeleen Kane…. Dans cette musique, il y a comme une sorte de désespoir qui ne peut trouver son apaisement que dans l’oubli et l’étourdissement qu’apporte la danse et la fête, j’aime aussi beaucoup les chanteuses « glamour » Dina Washington, Ella Fitzgerald, Julie London, Peggy Lee… Mais les films sont pour moi plus importants.
SM : Ta plus belle rencontre ?
AM : Surprenant mais ce n’est pas une star, c’est une rencontre amicale / amoureuse qui dure depuis très longtemps malgré les changements inévitables de l’existence: Elisabeth Guers est une amie qui dessine des chaussures avec beaucoup de talent, j’ai l’ai rencontré chez Thierry Mugler en 92, on a développé depuis un lien unique et puissant.
SM : Qu’est ce qui te fascine ?
AM : C’est souvent ce qui crée une émotion très forte que je n’arrive pas forcément à comprendre ou à analyser, qui tourne autour de la beauté, le désir, l’angoisse, le rêve, les questionnements face à la mort, c’est ce qui résiste à la réflexion, à l’analyse, c’est quand il reste encore quelque chose à découvrir.
SM : Tes projets ?
AM : Le projet le plus important est un long métrage que j’ai commencé à écrire.
Ali Mahdavi
Dita par Suzanne Aichinger & Ali Mahdavi
Salon Rose Par Ali Mahdavi